dimanche, janvier 14, 2007

Mon premier amour

J'avais quatre ans la première fois que je l'ai vu et que je lui ai touché du bout de mes doigts. La sensation de curiosité et de plaisir qu'il sollicita en moi me donna le goût de ne jamais le quitter. Il était grand, brun, aux formes carrées et chaque son qui sortait de lui me comblait... Pendant que mes amies jouaient ensemble, bien souvent moi, j'allais le voir. Quatre ans, direz-vous, c'est plutôt jeune ! Je sais, mais mon destin en avait décidé ainsi... Il était asiatique et se nommait Yamaha. Je me souviens très bien de cet amour inconditionnel que je portais à mon premier piano...

Comme je ne savais pas encore lire ni écrire à cet âge, mon professeur Nathalie remplaça les notes par des couleurs distinctes de sorte que je puisse bien les reconnaître. Lire la musique, ce n'est pas comme lire des mots, certes. Mais vous conviendrez que pour un enfant de quatre ans, voir des notes noires sur un fond blanc peut paraître plus incohérent que d'autres choses... d'où l'ingéniosité fort utile et fort agréable de donner une couleur à chaque note. Je me souviens, le sol était bleu roi et le do, jaune comme un rayon de soleil.

Avec les années, je poursuivis ma pratique du piano tout en cultivant cet amour que je voua à cet instrument. Au fil des ans, je développai une grande sensibilité (cette sensibilité commune à tous les musiciens), une grande écoute et une ouverture sur différentes formes musicales. Mon apprentissage classique s'ouvrit sur de nouvelles fenêtres : le jazz, le populaire et l'improvisation. Mes heures de pratique me léguèrent une grande technique et une aisance face à cet imposant spécimen. La pianniste Marie-Andrée Ostiguy, mon deuxième professeur, y fut pour quelque chose. Celle-ci avait une telle liberté dans ses mouvements lorsqu'elle se plaçait au piano à notre grand plaisir, le temps de nous faire entendre sa plus récente composition. Elle m'apprit à vouloir aller plus loin, au-delà de nos propres barrières, sans se mettre de pression et en prenant toujours plaisir à jouer. Vers l'âge de seize ans, mon quatrième professeur qui se nommait Lucie, ne se sentit plus en mesure de m'enseigner pour que je puisse performer à ma juste valeur (selon le talent qu'elle disait voir en moi) lors de mes derniers examens et aux masterclass de l'École de musique Vincent d'Indy. Elle me référa donc à son propre mentor, Hélène Carrière, qui proposa à mes parents l'éventualité de troquer notre bon vieux piano droit Yamaha pour un piano à queue. Un an plus tard, mes parents achetèrent un magnifique piano de 6 pieds 2 pouces noir laqué.

J'ai eu mes phases avec ce splendide instrument. Lorsque j'ai lu le roman Annabelle de Marie-Laberge, je me suis lancée dans les romantiques Impromptus de Schubert. À 17 ans, l'Opus 90 no.2 était mon préféré. Par la suite, mes émotions se virent interpellées par l'écriture passionnée de Chopin, son Opus 9 no.1 et no.2 (que l'émission Guy Corneau... en toute confidence fit connaître au grand public). Mais les élans des vagues musicales de Debussy-pour qui l'eau est un élément d'une grande importance tout comme pour moi- me rejoignèrent beaucoup. Côté populaire, mon adolescence fut marqué par l'imaginaire surprenant de Tori Amos, le film The Piano de Jane Campion et par Coldplay. Puis, Alain Lefebvre m'a récemment donné envi de découvrir l'oeuvre de notre André Mathieu national; Printemps canadien, écrit en 1940.

La musique fait partie de ma vie depuis toujours. J'ai besoin de m'exprimer pour me sentir nourrie et positive et le piano est un moyen formidable pour y parvenir. Je n'ai rien du génie Grégory Charles, qui dort quatre heures par nuit et ne sortait pas avec ses amis à l'adolescence pour mieux se vouer à sa musicalité. En revanche, je voue une grande reconnaissance à mes parents, tout comme pour ceux de Grégory. Ces derniers sont à la source de ce qu'il est devenu (son spectacle Noir et Blanc explique bien la naissance de ses qualités de pianniste). Pour ma part, mes parents m'ont donné tous le bagage nécessaire pour que je puisse enseigner le piano (comme je l'ai fait dans les dernières années) et pour poursuivre mon apprentissage dans l'univers de la musique. Cet apprentissage se réalise au quotidien, avec mes forces et mes faiblesses, puis mes élans de créativité. Ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'est que ce bel apprentissage ne se terminera jamais...

3 commentaires:

cath a dit…

Magnifique...
Que ce soit du Chopin ou du Coldplay, c'est moi qui suis reconnaissante, parce que j'adore t'écouter jouer !

isa a dit…

Quel beau texte ma soeur!
Tu devrais le faire lire aux parents, ils en seraient très touchés...

Mélanie a dit…

Merci beaucoup !!!
C'est une bonne idée Isa, je vais leur faire lire ; )