jeudi, mai 17, 2007

Peut-on se permettre d’être soi-même…?

Cette question peut sembler naïve, mais elle sous-tend la plupart des hésitations que l’on a à s’exprimer, à s’opposer, à se proposer, à s’exposer et à s’affirmer.

J’ai tendance à penser qu’il est généralement plus sain et plus rentable d’être soi-même que de ne pas l’être. Bien sûr, il peut parfois être prudent de se taire et de se camoufler en présence de personnes qui paraissent manipulatrices et imprévisibles mais, au quotidien, quand on doit vivre ou travailler avec d’autres, la rétention et la dissimulation compliquent terriblement l’existence.

Les coûts de la non-authenticité
Il y a des gens qui se retiennent ou qui jouent des rôles parce qu’ils ont peur des réactions de l’autorité, du syndicat, de leurs pairs ou de leurs clients. Si cette stratégie peut, à court terme, donner une illusion de contrôle et de sécurité, elle devient rapidement frustrante et s’avère la plupart du temps inefficace. Si un patron a envie de critiquer, il le fera même si on s’efforce d’avoir l’air parfait. Si un syndicat a décidé d’embêter la direction, il le fera même s’il fait face à des virtuoses de la marche sur des œufs.

Certains n’osent jamais avancer leurs diées par crainte de l’erreur ou du ridicule. Ce faisant, ils privent leur équipe d’un apport intéressant et se privent eux-mêmes de la reconnaissance que récoltent des collègues qui, par la suite, ont la générosité et le cran d’exprimer ces mêmes points de vue. D’autres se déguisent carrément pour plaire aux autres. Cette stratégie est plus compliqué que celle de se présenter sans masque. Elle est aussi plus hasardeuse, car rien ne garantit que le déguisement plaira plus que le naturel.

Pourquoi est-il si difficile d’être soi-même ?
Nous vivons dans un monde d’images et de modèles. La littérature populaire et la publicité n’ont de cesse de nous bombarder de slogans sur ce qui est « tendance ». Tout le monde s’y laisse un peu prendre, même dans les milieux où il est chic d’être anti-conformiste.

Dès notre plus tendre enfance, on nous évalue par rapport à des moyennes. Tout le monde rêve d’un poids moyen, d’une intelligence au-dessus de la moyenne. Il devient difficile de se connaître soi-même, car on a trop de chiffres pour se comparer et trop peu de mots pour se décrire. Plus tard, dans l’entreprises, on nous présente des profils de compétences qui camouflent souvent des codes de comportements stricts et conventionnels. Mieux vaut être jeune et ambitieux que vieux et équilibré, sérieux et exigeant que zen et indulgent. Pour couronner le tout, les horaires déments et l’omniprésence des gadgets de communication favorisent peu l’intimité avec ceux qui pourraient nous servir de miroir, ou le silence qui permettrait la réflexion sur soi.

Être soi-même, c’est quoi au juste ?
Être soi-même, ce n’est pas l’opposition de l’adolescent qui crie « J’existe, j’ai le droit ! », ni la complaisance du voisin qui vous inflige d’es « J’ai mauvais caractère, je suis fait de même, c’est pas de ma faute » et s’encapsule dans sa médiocrité.

Être soi-même, c’est tenter d’agir et d’interagir selon ce que je sens, ce que je pense, ce que je veux et ce que je peux.

C’est donner mon opinion lors d’une discussion, c’est aussi changer d’idée si l’argument d’un autre me convainc. C’est exprimer mes sentiments, manifester clairement mes besoins, respecter mes priorités. C’est agir en conformité avec mes valeurs et mes principes. C’est prendre ma place, me permettre d’être spontané et d’affirmer mon style. C’est me situer comme individu unique, tout en étant conscient d’être un parmi d’autres.

Être soi-même, c’est en quelque sorte un processus d’alignement conscient, dynamique, continu et évolutif qui implique une présence et une volonté de contact authentique avec soi-même et les autres. C’est un choix lucide, un choix exigeant certes, mais qui donne un sens personnel aux événements, la sensation d’être libre et responsable et qui est finalement plein de bon sens si on accepte que rien n’est jamais parfait ni statique.

Parfois tout est clair, parfois tout est confus. On est tantôt aligné, tantôt désaligné, on se sent tantôt à l’aise, tantôt mal à l’aise. Il suffit de s’en apercevoir et d’agir en conséquence, au meilleur de sa connaissance et de ses capacités.

3 commentaires:

Math a dit…

Très beau texte Mel !!! C'est vrai que l'on porte parfois des masques, surtout dans notre lieu de travail, pour se faire apprécier de notre boss, mais souvent on s'écoute moins là-dedans...

Une femme libre a dit…

Je trouve ça un peu incroyable d'avoir tant à réfléchir tout simplement pour être soi-même! Triste aussi. Faut-il que le milieu soit contraignant, que l'éducation ait été rigide ou non-acceptante pour qu'on ait peur de dire ce que l'on pense, de montrer ce que l'on ressent. Peur de ne pas être aimé? j'associe ces fausse image que certains se donnent à une pauvre estime de soi. Là encore, ça part de l'enfance. Que les parents en ont donc sur le dos!

Mélanie a dit…

@ Math : Merci pour ton appréciation de la communication non violente et de ce que j'en écris !

@ Une femme libre : Au fond, je sens une certaine inquiétude dans le fait de penser que tout l'amour et l'estime d'une personne provient principalement de son enfance et de l'éducation qu'elle reçoit. Je crois que l'enfance est une étape fondamentale dans la vie, mais que chaque personne vit des expériences d'où il émerge généralement une prise de conscience...

Même en donnant tout l'amour et la reconnaissance possible à un enfant, celui-ci peut grandir en ayant une pauvre estime de lui-même parce qu'il se juge intérieurement et ne s'accueille pas pour ce qu'il est véritablement. Ce genre de personne se décrit par ce qu'elle reçoit des autres : "Tu es gentil !" ou "Tu devrais travailler plus fort à l'école" (le petit se dit "Je suis nul, il faut que je sois meilleur").

Je pense profondément que c'est à la personne que revient cette prise de conscience et ce respect de soi-même. Si nous nous apprécions tel que nous sommes, malgré nos différences, nous n'attendons pas de voir le reflet de nos qualités par les autres (donc une meilleure estime de soi) et nous respecterons davantage les différences que nous percevrons chez les autres par le fait même.